Avec ce livre, au titre qui a tout d'un énoncé manifeste, François Cheng ose de déroutants alliages : l'âpreté et la joie, le silence et la lucidité, la mort et les nuages, les oiseaux et les larmes, l'émoi et les étoiles... C'est qu'à force d'avoir mordu la poussière d'ici-bas les mots n'en finissent plus de renaître. Des âmes errantes ou du phénix, on ne sait qui mène la danse. Mais il suffit de la splendeur d'un soir pour que l'univers entier résonne soudain. Il suffit de la sincérité d'un seul coeur brisé pour que la fulgurante beauté délivre de la fragilité humaine :
Car tout est à revoir, Tous les rires, tous les pleurs, Toute la gloire...
Il y a dans ces pages un souffle de vie qui prend à la gorge. Sans doute parce qu'il provient d'une voix sans autre exemple. D'une voix qui éperonne la pensée, avec une acuité foudroyante et douce. La parole de François Cheng est bien celle d'un penseur, d'un poète, d'un sage passionné qui ne craint rien, pas même d'affirmer que «la vraie gloire est ici».
Je suis entré dans la poésie Tang presque à l'improviste, mais non par hasard, en lisant un poème de Li Bai, qui met face à face un homme et une montagne. Le poète décrit un lieu d'immobilité et de majesté devant lequel l'être humain, dans sa faiblesse et son impermanence, ne peut que s'asseoir et regarder. Li Bai m'apportait autre chose, à quoi je n'étais pas préparé par mon éducation et par mon langage:une plénitude, une paix intérieure. Cette paix n'était pas difficile à atteindre. Il suffisait de s'asseoir et de regarder.La poésie Tang est sans doute le moyen de garder ce contact avec le monde réel, elle nous invite au voyage hors de nous-même, nous fait partager les règnes, les durées, les rêves.J.M.G. Le Clézio
«Ils ne sont pas poissons d'eau douce pas poissons scie, ni poissons-chats... On ne les voit pas dans les vagues. Mais en avril, ils seront là, dans ton dos, pour faire des blagues !»Un mariage d'hippopotame, un éléphant en hélico, des poux sur la tête, des moustiques qui piquent et tout plein d'oiseaux... Voici de petites poésies, comme des comptines, à apprendre ou à lire à haute voix pour se faire plaisir en jouant avec les mots !
On peut venir et souffrir.
Ce n'est rien.
Se frotter contre tout ce qui brille.
Rien comme.
Dater au carbone ses propres ossements.
Tous ceux qui brûlent comprendront.
Des jeux de mots, des jongleries de sons, des instants touchants... En suivant Monsieur Nez, on découvre, même quand on est tout petit, les bonheurs de la poésie
« Qu'est-ce que la poésie ?... Qu'est-ce que l'âme ?... Lorsqu'un poème, ou simplement un vers provoque chez le lecteur une sorte de choc, le tire hors de lui-même, le jetant dans le rêve, ou au contraire le contraint à descendre en lui plus profondément jusqu'à le confronter avec l'être et le destin, à ces signes se reconnaît la réussite poétique.
Telle est, bien sûr, l'ambition secrète et démesurée de tout auteur d'anthologie. S'il la commence pour lui-même, c'est pour d'autres qu'il la termine et la publie. Choisir tout ce qui lui paraît digne et capable de provoquer chez le lecteur le choc de la beauté, voilà l'objet de son effort. C'est dire qu'il se trahit lui-même puisqu'il livre le secret de ce qui le touche.
Mon ambition est bien de donner ici l'essentiel de notre poésie, c'est-à-dire les plus beaux vers de la langue française, ceux que je trouve tels, sans doute, mais avec l'espoir qu'ils le sont vraiment. ».
Georges Pompidou.
À la fin des années 50, dans la région de l'Aurès en Algérie, Naja élève seule ses trois filles depuis que son mari Saïd a été recruté pour travailler en France. Quelques années plus tard, devenu ouvrier spécialisé, il parvient à faire venir sa famille en région parisienne. Naja tombe enceinte, mais leurs conditions de vie ne permettent pas au couple d'envisager de garder l'enfant...Avec ce second roman, Lilia Hassaine aborde la question de l'intégration des populations algériennes dans la société française entre le début des années 60 et la fin des années 80. De l'âge d'or des cités HLM à leur abandon progressif, c'est une période charnière qu'elle dépeint d'un trait. Une histoire intense, portée par des personnages féminins flamboyants.
?On ne dira jamais assez l'importance des choses sans importance.
Ce sont des blessures anodines, des rêves futiles, des paroles entendues. Dans notre fuite en avant, nous y prêtons rarement attention.
Lilia Hassaine prend le temps, s'arrête. Elle observe ces choses sans importance avec la curiosité et la cruauté de l'enfant qu'elle fut : sans filtre. Chaque poème est une flèche qui fait mouche.
"Les hommes lui donnèrent le prénom d'Hélène Aujourd'hui C'est le sillage de ses bras qui m'entraîne Avec douceur vers des hameaux perdus Sa main sur mon visage Et le ciel m'est rendu Qui dira les jardins où nous dormons ensemble Ces greniers vagabonds où nous avons vécu L'un et l'autre À des kilomètres de distance"
« J'ai le soleil a` vivre » écrit-elle dans un souffle. Vivre l'herbe et les fleurs, la pluie, le goût des rues et des matins, le silence au bord de l'eau, le souvenir d'une enfance heureuse. Vivre « les grandes marées du coeur ». Car l'écriture simple et limpide d'Hélène Cadou est traversée par une lumière, celle de l'amour qu'elle a voue´ durant toute sa vie a` René dont elle partagea la brève existence. Un amour qui conjure l'absence et transcende le temps, qui déplace les lignes d'horizon et « peint le monde en bleu ». Les poèmes inédits que rassemble ce recueil n'en finissent pas de chanter « l'invisible compagnon » d'une vie vouée a` la mémoire et a` la poésie. Même lorsque « l'obscur me gagne » et que « j'assiste a` la montée sévère de la nuit », dit-elle encore dans le même souffle.
"De temps à autre.
Les nuages accordent une pause.
à ceux qui contemplent la lune".
Bashô.
Le haïku, admirablement mis en lumière par Yves Bonnefoy dans sa préface, est un poème en trois vers dont l'origine est presque aussi ancienne que la poésie japonaise traditionnelle. Parmi les nombreux auteurs présents dans ces pages, quatre grands noms, qui ont ponctué l'histoire du haïku, se détachent: Bashô (1644-1694), Buson (1715-1783), Issa (1763-1827) et Shiki (1866-1902).
À l'égal des autres arts du Japon, tels que l'arrangement des fleurs, l'art des jardins, le tir à l'arc ou le théâtre Nô, le haïku est beaucoup plus qu'un poème sur un instant privilégié. Ce qu'il propose est une expérience proche du satori ou de l'illumination.
Un chaton court après les papillons, une chatte s'endort sur le tatami... sous l'oeil observateur du grand poète Kobayashi Issa (1763-1828). Sont ici réunis 100 haïkus d'Issa, inédits pour la plupart, dédiés à ces petits félins. Ils s'accompagnent d'oeuvres d'artistes japonais, de Hokusai à Fukase, où se mêlent xylographies, dessins à l'encre et photographies.
L'un des sommets de l'oeuvre de Pablo Neruda.
En 1943, Pablo Neruda gravit le chemin sinueux qui conduit jusqu'aux ruines de Macchu Picchu, aux confins de la cordillère des Andes, de la forêt amazonienne et des cieux. Face au spectacle qu'offre la cité inca, le poète entame une longue méditation lyrique : au prix de quels sacrifices humains la citadelle a-t-elle imposé son empreinte ? Quel sens peut revêtir une pareille entreprise, balayée par l'Histoire et engloutie par le temps ? Comment en restituer toute la démesure, la monstruosité et le sublime ?
Hymne ébloui qui composera le second tableau du Chant général, Hauteurs de Macchu Picchu est bien davantage que le récit de la vie et de la mort. Au coeur des vestiges de la grande civilisation rouge, le Prix Nobel chilien y lance un appel vibrant à la renaissance des peuples natifs d'Amérique du Sud.
Hauteurs de Macchu Picchu est né de cet accord entre la grandeur de l'objet du poème et l'éclat de sa langue. [...] C'est assez pour que plusieurs reconnaissent en ce presque psaume un des sommets de l'oeuvre de Pablo Neruda. (Extrait de la préface de Roger Caillois) Traduit de l'espagnol (Chili) par Roger Caillois
Poète à New York, recueil posthume à l'histoire mouvementée, est à redécouvrir en édition bilingue dans une nouvelle traduction et une trame fidèles au manuscrit original de Federico Garcia Lorca, enfin retrouvé.
Un poète-personnage évolue dans les dix sections du livre où, comme en un récit de voyage, sont décrits tout d'abord la découverte d'une ville tentaculaire où sombre le sujet, sa visite à Harlem, ses pérégrinations dans Manhattan le soir et la nuit, le voyage au lac Eden Mills et dans l'État du Vermont, le retour à la ville et la fuite vers la civilisation, vers La Havane. Comme un pèlerin moderne rescapé du naufrage, ce poète-personnage poursuit un voyage qui le conduit de la sidération initiale à la révolte, pour aboutir à l'appel des derniers poèmes.
Ces poèmes, nés de l'incompréhension et de l'interprétation par le poète d'un monde insolite et barbare dans sa civilité, sont d'actualité pour nous lecteurs :
Le système capitaliste et la crise de 1929 intégrés au lyrisme lorquien, dans leurs conséquences économiques et sociales, collectives et intimes, mais également écologiques, sont en prise avec les questionnements de notre époque.
Carole Fillière et Zoraida Carandell
Lorsqu'en 1869, sous le pseudonyme de Lautréamont, Isidore Ducasse fait imprimer Les Chants de Maldoror, c'est un texte inclassable que le jeune poète de vingt-trois ans offre aux lecteurs. Cette épopée de la peur, des ténèbres et du mal, qui brandit son attirail de cruautés et fait sourdre un fond de terreur infantile dans les amples strophes de ses six chants, demeura à peu près sans écho à sa parution : il fallut donc attendre sa redécouverte par les surréalistes pour que ce livre où s'inaugure la transgression moderne prît sa vraie place. L' année suivante, les Poésies, dont on ignore si l'édition fut diffusée, démentaient leur titre en proposant, écrites en prose, un ensemble de maximes et de réflexions, acerbes parfois mais aiguës, sur la littérature et la morale. Le livre fut-il alors lu ? Quelques mois plus tard, Ducasse mourait mystérieusement.Collection Classiques dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety.Édition préfacée, annotée et commentée par Jean-Luc Steinmetz.
«Dix-sept ans!» Rimbaud s'inspire de ses joies et de ses déceptions d'adolescent pour nous livrer ses premiers poèmes. Il joue avec les codes traditionnels et laisse déjà entrevoir l'élan qui fera de lui un poète-voyant.Ces poèmes de jeunesse portent la fraîcheur d'un regard prêt à tout explorer; ils expriment les désirs et la révolte d'un génie en quête de liberté.TOUT POUR COMPRENDRE- Notes lexicales- Biographie de l'auteur- Contexte historique et culturel- Genèse et genre de l'oeuvre- Chronologie et carte mentaleTOUT POUR RÉUSSIR- Questions sur l'oeuvre- Histoire des arts- Éducation aux médias et à l'information- Sujets d'entraînementGROUPEMENTS DE TEXTES- Les arts poétiques- Les poètes-voyantsCAHIER ICONOGRAPHIQUE.
Rimbaud Une saison en enfer Illuminations et autres textes (1873-1875) « Ce passant considérable. » Stéphane Mallarmé « Rimbaud est un prophète de l'incurable négation. Le désert de feu est son lieu. » André Suarès « Le conducteur intermittent de la foudre. » Julien Gracq « Le génie de Rimbaud, cette énergie, cette hâte, aura été avant tout d'essayer d'accomplir la réinvention de l'amour avant que, terriblement vite, il ne soit toujours trop tard. » Yves Bonnefoy édition de Pierre Brunel.
Des poèmes privilégiant les vagabondages géographiques et sentimentaux, accompagnés d'outils pédagogiques (présentation, notes et jeux) qui facilitent la lecture et la compréhension de l'oeuvre des trois poètes, sur le thème de la vie de bohème.
Début des années 30. Anaïs Nin vit en banlieue parisienne et lutte contre l'angoisse de sa vie d'épouse de banquier. Plusieurs fois déracinée, elle a grandi entre 2 continents, 3 langues, et peine à trouver sa place dans une société qui relègue les femmes à des seconds rôles. Elle veut être écrivain, et s'est inventé, depuis l'enfance, une échappatoire : son journal. Il est sa drogue, son compagnon, son double, celui qui lui permet d'explorer la complexité de ses sentiments et de percevoir la sensualité qui couve en elle. C'est alors qu'elle rencontre Henry Miller, une révélation qui s'avère la 1re étape vers de grands bouleversements.
«Il paraît que j'étais devenu l'homme indispensable à cause de ma connaissance des langues étrangères. Mon répertoire n'était pas inutile. J'aurais pu me faire une situation du tonnerre. Très peu pour moi. Je rigolais. Trop, c'est trop. Je ne voulais pas de situation. Autant entrer dans la presse. Vive la poésie ! Mais étais-je poète ? Je ne savais pas aller jusqu'au bout...»Malicieusement qualifié de volume «presse-papiers» par Blaise Cendrars, Trop c'est trop regroupe dix-sept histoires plus ou moins vraies, revêtant des formes diverses : contes, articles de presse, souvenirs, nouvelles, portraits d'artistes...Attentif aux manifestations du monde moderne, Cendrars nous transporte à travers ces nouvelles de Brasilia à Paris, mêlant fiction et autobiographie, petite et grande Histoire.
Je sais l'autre : c'est à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg qu'un jeune apprenti bijoutier suisse a découvert la troublante formule que Gérard de Nerval, peu de temps avant sa mort, a inscrite au bas de son portrait par le graveur Gervais. Dans ce refus de sa propre image, Freddy Sauser a-t-il entendu l'injonction qu'il attendait ? L'autre pour lui, l'autre lui-même, ce sera donc le poète, mais un poète en mouvement perpétuel et brûlant ses vaisseaux. Pendant plus de quarante ans, il s'en fera une devise de vie et une règle dêcriture. Lorsqu'il se rend à New York, fin 1911, sa décision est déià prise : il écrira. À son retour en Europe, il emporte son premier poème, Les Pâques, et pour le signer il emprunte à l'oiseau phénix le nom de l'autre : Blaise Cendrars.La collection «Tout autour d'aujourd'hui» présente, en quinze volumes, les oeuvres complètes de Blaise Cendrars 1887-1961) dont elle propose la première édition moderne, avec des textes établis d'après des sources sûres (manuscrits et documents), accompagnés de préfaces et suivis d'un dossier critique comprenant des notices d'oeuvres, des notes et une bibliographie propre à chaque volume.Le premier volume recueille les Poésies complètes de Cendrars dans leur chronologie de composition et avec les illustrations des éditions originales (Kisling, Modigliani, Picabia, Tarsila do Amaral...).
La publication de La Grande Gaîté dans notre collection est assurément un événement. Ce recueil d'Aragon initialement paru chez Gallimard en 1929, illustré par Yves Tanguy, n'avait jamais été republié séparément, seulement repris en 1974 dans l'oeuvre poétique complet publié au Livre Club Diderot, puis dans la Pléiade en 2007. Ce livre certainement surprendra, choquera même sans doute les lecteurs du Roman inachevé ou du Fou d'Elsa. Écrits en 1927 et 1928, par, ne l'oublions pas, un jeune homme qui n'a pas trente ans, les poèmes de ce recueil correspondent à une violente crise existentielle du poète, à sa relation amoureuse douloureuse et tourmentée avec Nancy Cunard comme à la complication croissante de ses rapports avec Breton et ses amis surréalistes. Le titre est évidemment une antiphrase, c'est de fait de la plus grande détresse qu'il s'agit. D'une agressivité inouïe, d'une dérision acerbe, la première partie du livre est, comme le souligne la préfacière Marie-Thérèse Eychart (ayant collaboré par ailleurs aux «Pléiade» Aragon) un «jeu de massacre» désespéré qui n'épargne rien ni personne. La seconde partie en revanche rend au lecteur un Aragon plus proche de ce qu'il connaît. Il y renoue, comme après une descente aux enfers, avec un chant, fût-il brisé et de douleur indépassable. C'est là qu'on lira notamment le célèbre Poème à crier dans les ruines qui est sans conteste un des sommets de la poésie aragonienne.
Ce poème d'Aragon est un « roman achevé », au sens où l'on dit qu'une oeuvre est achevée ; c'est un roman en ce qu'il raconte une aventure du coeur. L'amour, l'expérience, la réflexion sur la vie en constituent les thèmes. Un Roman de la Rose.
Et comme le Roman de la Rose, difficile à analyser, car sa signification est multiple, et la Rose ici, de l'aveu de l'auteur, indescriptible. Peut-être le lecteur en trouvera-t-il la clef dans les épigraphes au poème, l'une tirée du Gulistan ou L'Empire des Roses, de Saadi, l'autre de Roses à crédit, roman d'Elsa Triolet.
Le thème de la Rose, commun à nos poètes médiévaux et à ceux de l'Orient, ne semblera aucunement d'apparition fortuite au coeur du poème que voici, à condition de se rappeler qu'Elsa voit le jour en même temps que ces Roses à crédit.
Dernier recueil publié du vivant d'Aragon, en 1981, Les Adieux et autres poèmes est sans doute l'un des plus beaux de son oeuvre poétique et l'un des plus émouvants:adieux à Elsa disparue, adieux à la vie et au monde, son histoire tourmentée traversée de beautés irréductibles, salut à la poésie à travers un poignant hommage à Holderlin, salut enfin aux grands peintres compagnons de voyage, Chagall, Picasso, Paul Klee et André Masson. Le chant d'Aragon est ici au plus haut de son lyrisme blessé. Loin de nous la poésie d'Aragon? Non, jamais plus proche assurément que dans ces vers d'intime douleur où le chant justement jamais ne renonce.