Rares sont les ouvrages qui, au-delà des comiques individuels, sont consacrés à l'ensemble de son univers. Le présent livre, paru pour la première fois en 1984 (chez Stock) et épuisé depuis longtemps, en est un ; le burlesque y est tour à tour éclairé par des vues cinéphiles et esthétiques, certes, mais aussi par des idées d'ordre psychologique, sociologique et même métaphysique. Une place importante est faite à son érotisme, valeur essentielle mais restée pratiquement taboue jusqu'à présent. Enfin, les nombreuses analyses de gags et de séquences, aussi subtiles que précises, sont autant de clés pour comprendre le monde de Chaplin, Langdon, Keaton, Harold Lloyd, Laurel et Hardy, ou des Frères Marx.
Dans la vie comme dans ses écrits, proses et poésies, Petr Král s'attache au moindre détail du monde réel, à tous ces petits riens que d'ordinaire l'on ne voit pas mais qui constituent pourtant la trame intime de l'existence. Son champ d'expérimentation est essentiellement urbain. Il se définit lui-même comme «un piéton métaphysique», si l'on veut bien comprendre que cette métaphysique dont il parle n'est pas au-delà du réel mais qu'au contraire elle en fait partie. Il parcourt la ville avec une sorte de mélancolie rieuse qui lui est propre, guettant les interstices, les portes secrètes qui s'ouvrent dans les choses et les événements pour peu qu'on soit attentif, présent en soi-même comme en dehors.
Alain Roussel.
Cet ultime recueil de poèmes, achevé quelques mois avant sa mort, Petr Kral avait choisi de l'accompagner lui-même, avec trois dessins d'une extrême rigueur qui font écho à la fermeté qui caractérisa et sa vie et son oeuvre. Cette manière d'intransigeance, on la retrouve dans sa prosodie si particulière construite sur l'alliance d'un réalisme imparable (cru même) et d'un humour teinté parfois de nonsens qui explicite l'absurdité des situations, des relations, des échanges.
Marqué par Hrabal, Hasek, le Surréalisme et le cinéma muet (il écrit la-dessus des livres qui ont fait date), Kral élabore des saynètes qui dessinent un univers mélancoliquement banal que seul l'humour grinçant rend habitable...
les films de chaplin, langdon, keaton, harold lloyd, laurel et hardy ou des marx brothers n'ont pas vieilli : des trésors d'imagination, de poésie et un délire apparent qui témoignent d'une étonnante lucidité devant la situation faite à l'homme par la société moderne.
notre sensibilité a été marquée, dès l'enfance, par le burlesque. petr kràl a voulu consacrer un ouvrage général - au-delà des comiques individuels - à l'univers du burlesque. il analyse en profondeur cette tradition qui commence avec le cinéma et, faisant la part de la rêverie personnelle, souligne en quoi ces films "hors du temps" se confondent avec la poésie.
L'anthologie du Surréalisme en Tchécoslovaquie recouvre la longue période de 1934 à 1968 ; pendant toutes ces années - et jusqu'à aujourd'hui - le surréalisme a connu en Tchécoslovaquie un développement quasi continu. L'apport des surréalistes tchécoslovaques est en même temps d'une originalité évidente : l'importance qu'ils accordent à l'humour, leur méfiance pour les formes utopiques de l'imaginaire et, simultanément, leur intérêt pour les formes les plus quotidiennes de celui-ci les distinguent non seulement des surréalistes français, mais aussi de l'ensemble du surréalisme mondial. C'est cette spécificité, encore renforcée par l'expérience que les surréalistes tchèques et slovaques ont faite du stalinisme - et par laquelle ils sont aujourd'hui les seuls, dans le cadre du mouvement, à être passés -, que le livre cherche à mettre en évidence. Un choix de reproductions et une étude à la fois historique et critique complètent l'anthologie proprement dite qui comporte, elle, les exemples les plus caractéristiques : autant de poèmes, proses ou pièces de théâtre que d'essais et de «manifestes» théoriques. L'ensemble permettra au lecteur français de découvrir non seulement un chapitre important de la culture moderne mais aussi plusieurs poètes qui, bien que mal connus jusqu'à présent, n'en ont pas moins leur place parmi les plus grands du siècle.
Une chose est sûre, quand on suit le regard de Petr Kral décrivant le "bâillement d'un livre", "le passage d'un mur d'en face", "la ville cachée" et le matin fantastique où "le métro ne se reconnaît plus", pas le temps de bâiller: il sait, mieux que nul autre, saisir une image sur le vif. L'humeur est simple, tantôt drôle ou nostalgique, parfois rêveuse ou philosophique, dans cette centaine de textes, dont sept sont des échos à des tableaux de Leonardo Cremonini. Autant de balises, semées par une "vigie" de la langue française.
Sentiment d'antichambre dans un café d'Aix est une réflexion poétique sur l'Histoire et sur le passage du temps. C'est derrière la scène vide de l'actualité, comme un écho du siècle précédent, un ailleurs à retrouver, pour repeupler l'espace de ces fantômes virtuels qui, seuls, transforment l'existence en présence. Plus quelques éclairs bas, ce peu de lumière qui nous est donné en supplément. Une promesse maigre qui, cependant, suffit à nous tourner vers le liseré pâle de l'horizon afin d'y ancrer une joie, quand bien même son heure soit passée.
Des silhouettes dans le paysage à la maison du passant, à travers de fugitifs éclats du monde : discrètement, le poème se fait note de journal et sonde descendue au fond de l'instant, pour mieux épouser la précarité et l'inachèvement de l'existence.
Il n'a pas cependant renoncé à renvoyer à cette existence un reflet élargi, pour lui faire retrouver, par fragments, les dimensions d'un " mythe vécu ". Une des chances du poème reste autant celle de dispenser une parole d'espoir, ne fût-ce que par l'éclat et la fermeté qu'il peut donner à l'expression d'une douleur et d'un manque d'être. Une lueur s'allume dans la grisaille grâce au vide même que celle-ci dissimule, non sans suggérer que son blanc, à lui seul, pourrait être un sens.
" prague, ville-carrefour, propice à toutes les rencontres, lieux kafkaïens comme les cercles vicieux où ses habitants se débattent, espace flottant où le centre constamment se dérobe.
Guide-poème, guide-rêverie, guide-fantôme dans une ville dépeuplée, " la mieux faite pour être habitée à distance ". cité de nezval, de seifert et de kafka. pour prague, petr kral, dans une belle langue française, se hisse auprès de ses poètes. " nicole zand, le monde
Ce recueil d'une centaine de textes de quelques lignes célèbre, à la manière de«La première gorgée de bière», le bonheur des gestes et situations quotidiennes : l'amour et le rasage, le crépuscule ou la déception, le cure-dent et le café, faire peur ou jouir, la femme inconnue et le roman... Chacun de ces textes de promeneur urbain est un voyage à travers les détails invisibles de la vie.
P. Kral emmène découvrir des lieux, de Montmatre à Prague en passant par Pilsen : au bord du monde, à la lisière de la civilisation, ils sont là, oubliés des regards, derrière une barrière, un jardin fantasmé, entre quatre murs, une maison réinventée, dans une cour d'usine désaffectée, le long de voies ferrées, dans des recoins et des détours de cités labyrinthiques.
Petr Král est un poète-piéton. Il marche et repère ce que, dans la bousculade moderne, on n'aperçoit pas, une bouche de femme qui avive la marge de la ville, la feuille morte qui aiguillonne une voiture en glissant sur son toit, la mystérieuse zone du plafond qu'on désigne quand on enfile son manteau; il voit la viande qui tourne sur une broche « au milieu du cosmos ».
Ces carnets qui parcourent quarante ans, de 1968 à 2006, rendent nostalgique d'un Paris qui disparaît progressivement comme la neige qui fond au soleil. Mais ils sont écrits avec un ton réjouissant et irrévérencieux où l'humour le dispute à la poésie. Un livre rare.