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Gallimard
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«Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l'ouvrîmes silencieusement. À l'intérieur, des piles de livres s'illuminèrent sous notre torche électrique; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts:à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais:Dickens, Kipling, Emily Brontë... Quel éblouissement!Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara:- Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde.»
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1968, palais du Potala au Tibet. L'ancienne demeure du Dalaï-lama est occupée, depuis l'exil en Inde du chef spirituel, par une petite troupe de très jeunes gardes rouges fanatisés, étudiants des BeauxArts dirigés par un garçon particulièrement cruel, surnommé « le Loup ». Bstan Pa, ancien peintre du Dalaï-lama, est retenu prisonnier dans les anciennes écuries du palais. Il est repéré par le Loup qui veut lui faire avouer ses crimes contre-révolutionnaires. Les jeunes Gardes Rouges ont découvert dans les tankas sacrés qu'il a peints, une preuve de la nature dépravée du Dalaï-lama et de ses adeptes. Alors qu'ils s'acharnent à détruire toute trace de beauté, profanent les objets sacrés et les plus hautes oeuvres d'art bouddhique, le vieux peintre se remémore une existence dédiée à la peinture sacrée. Il se souvient de son apprentissage auprès de son maître, des échelons gravis grâce à son talent exceptionnel jusqu'à approcher les plus hautes autorités religieuses, et participer à la recherche du nouveau tulkou, l'enfant appelé à succéder au défunt Dalaï-lama. Cette quête s'est fondée sur une vision qu'a eue, en présence de Bstan Pa, le Régent responsable de la recherche de l'enfant élu. En transes, il voyait une maison au toit bleu, un arbre auquel un cheval était attaché, un paysage très détaillé... Bstan Pa, au fur et à mesure, a peint sur une toile les éléments de la vision. Munis de ce document précieux, les deux hommes sont partis à travers montagnes et vallées pour retrouver la maison de l'enfant destiné à devenir le quatorzième Dalaï-lama. Tandis que le Loup torture le vieux peintre, les souvenirs sublimes affluent, de plus en plus puissants. Que peut la violence des hommes contre la beauté ? Dai Sijie nous fait pénétrer dans un univers d'harmonie et de méditation, nourri par l'évocation d'une tradition séculaire, très raffinée, que l'écrivain connaît à la perfection. Les passages sur la peinture, sur les couleurs, sur l'art tibétain qui met en communication le monde sensible et celui de l'esprit sont souvent extraordinaires, d'une sensualité étonnante. Ce nouveau roman de l'auteur de Balzac et la petite tailleuse chinoise procure un sentiment de dépaysement absolu dans l'espace et dans le temps.
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Dans un village proche de la ville côtière de Putian, en Chine méridionale, au début du vingtième siècle, Yong Sheng est le fils d'un menuisier-charpentier qui fabrique des sifflets pour colombes réputés. Les habitants raffolent de ces sifflets qui, accrochés aux rémiges des oiseaux, font entendre de merveilleuses symphonies en tournant au-dessus des maisons. Placé en pension chez un pasteur américain, le jeune Yong Sheng va suivre l'enseignement de sa fille Mary, institutrice de l'école chrétienne. C'est elle qui fait naître la vocation du garçon:Yong Sheng, tout en fabriquant des sifflets comme son père, décide de devenir le premier pasteur chinois de la ville. Marié de force pour obéir à de vieilles superstitions, Yong Sheng fera des études de théologie à Nankin et, après bien des péripéties, le jeune pasteur reviendra à Putian pour une brève période de bonheur. Mais tout bascule en 1949 avec l'avènement de la République populaire, début pour lui comme pour tant d'autres Chinois d'une ère de tourments - qui culmineront lors de la Révolution culturelle. Dai Sijie, dans ce nouveau roman, renoue avec la veine autobiographique de son premier livre, Balzac et la petite tailleuse chinoise. Avec son exceptionnel talent de conteur, il retrace l'histoire surprenante de son propre grand-père, l'un des premiers pasteurs chrétiens en Chine.
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«Je reviendrai un jour, avec Volcan de la Vieille Lune, quand elle sortira de prison. Elle aura apporté son appareil photo et prendra des clichés des pêcheurs, de leur dur labeur, de leur misérable vie quotidienne, la plus pauvre de la Chine, si ce n'est du monde. Moi, je noterai leurs rêves, ceux des adultes et ceux des enfants. Je leur raconterai la théorie de Freud, surtout sa quintessence, le complexe d'Oedipe, et on s'amusera à voir comment ils hurleront de surprise en secouant leurs têtes basanées.» Muo, myope, puceau et fervent adepte de l'esprit chevaleresque, repart pour la Chine après un long exil en France. Il a décidé de délivrer Volcan de la Vieille Lune, sa fiancée emprisonnée pour avoir divulgué des photos interdites. Or s'il veut atteindre ce but, Muo doit s'attirer les grâces du cruel juge Di. Il ne dispose que d'une arme : la psychanalyse, inconnue en Chine. Dans son combat, la médecine des âmes s'avérera de grande utilité. Muo, devenu psychanalyste ambulant, l'étendard freudien claquant au-dessus de sa bicyclette, progresse vers son aimée à travers un pays en pleine métamorphose, surprenant et même dangereux, prêt à tout pour satisfaire le juge Di, tyran capricieux qui souffre d'un monstrueux complexe.
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Par une nuit où la lune ne s'est pas levée
Sijie Dai
- Gallimard
- Blanche
- 11 Janvier 2007
- 9782070779635
«Je vois dans votre regard, remarqua le professeur, le grand intérêt que vous portez à ce rouleau, et je tiens à vous mettre en garde, avant qu'il ne prenne une tournure plus passionnée, comme il en fut pour tous ceux qui s'en sont approchés. Chez moi aussi, je dois avouer, il a soulevé un fort enthousiasme. Il me semblait qu'en restituant son parcours, si sinueux fût-il, je pourrais mieux parler des empereurs défunts sur lesquels il avait laissé son empreinte, recomposer les fragments disparus de la vie des nobles déchus...» Les péripéties au cours des siècles d'un manuscrit sur rouleau de soie forment le fil conducteur de ce roman aux récits savamment emboîtés. Dai Sijie, revisitant l'histoire de la Chine et celle du bouddhisme, y rend un hommage fervent aux créations de l'esprit les plus subtiles - et notamment à la langue écrite ou calligraphiée, qui répand sur chaque page son mystère obsédant.