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Éditions de Minuit
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* Création par le théâtre de la Salamandre, à Lille au Théâtre Saint-Paul, le 10 mai 1985 et repris à Paris, au Théâtre national de l'Odéon, le 28 mai 1985.
Oedipe roi est une tragédie modèle, d'Aristote à Racine, mais aussi le formidable détonateur d'un mouvement dont nous vivons encore et qui a profondément transformé une lecture dont l'histoire avait déjà, comme elle le fait toujours, piégé les accès. Sans Freud, Sophocle ne se tairait peut-être pas, mais avec Freud, certainement, Sophocle n'est plus tout à fait lui-même. Cette traduction s'appuie sur une analyse grammaticale et historique qui a abouti à rétablir le texte sur un nombre considérable de points.
Ni reconstitution ni adaptation : la restauration archéologique pure et simple est rendue vaine par la différence des langues et des mètres, l'adaptation tombe dans le piège de l'humanisme. L'oeuvre est d'abord une pièce de théâtre, où le rythme, les effets, le mouvement font partie du sens.
La traduction de Jean Bollack va à l'encontre du fantasme le plus courant de certains traducteurs : rendre la langue d'accueil humble, discrète, transparente, si transparente que va apparaître le texte d'origine. Jean Bollack appartient à cette minorité de traducteurs pour qui le travail sur le sens qui reste la visée essentielle - est un travail sur la forme ; restituer quelque chose de ce qui se passe dans la langue d'origine ne peut se faire sans violenter les standards de la langue d'accueil. Cette langue française rugueuse, catholique, puissante s'oppose au français véhiculaire délavé et génère une étrangeté sans exotisme qui aide à faire comprendre ce que Sophocle essaie de faire entendre dans sa pièce et qu'une langue usée, défraîchie, ou usuelle ne peut plus faire saisir. Les traductions successives ont tant accumulé de strates de provenances diverses sur le texte de Sophocle, que le faire entendre à nouveau comme un texte vivant et actif ne peut se faire qu'au prix d'un immense travail scientifique et d'une violence qui est celle de la traduction. On retrouve là le propos même de la pièce : ce long accouchement de la parole, cette bataille pour arriver à réénoncer ce qu'on a entendu sans le connaître et qui était impossible à formuler immédiatement, le parricide et l'inceste. Cette tragédie se joue dans les mots ; les mots par lesquels Oedipe opère le douloureux et violent passage de la préconnaissance ( moi, le grand Oedipe ) à la vérité finale ( moi qui suis l'impur des impurs ). Pour le traducteur comme pour le héros, il s'agit de s'approprier une vérité arrachée lambeau par lambeau, pied à pied, à la parole des autres.
Alain Milianti ----- Extrait d'un entretien avec Jean Bollack -----.
Il n'y a pas d'oeuvre dans la conscience universelle qui ne soit plus forte qu'Oedipe roi. Quand je traduis l'une de ces pièces, je suis placé devant deux choses : d'une part la situation dans laquelle est quelqu'un qui a écrit, étant lui-même placé dans une tradition par rapport à laquelle il prend ses distances ; et d'autre part, tout ce que l'on a fait, depuis, de cette oeuvre. La reconstruction du moment où quelqu'un a écrit est au centre de ce que je fais. Et je détache cela très nettement de l'utilisation qu'on a pu faire de ses oeuvres. Je prends le parti de celui qui écrit, de la situation qu'il a lui-même vécue et de sa façon de transformer une situation culturelle dont il a hérité. Je suis donc toujours en face d'une chose dont je peux parler directement. Mais il me faut aussi tenir compte de ce que les gens me disent : pour certaines phrases d'une pièce comme Oedipe roi, il y a huit ou dix interprétations très marquées, reconnaissables. Ce que je cherche, c'est le passage à une forme d'explication du sens, à son expression forte, immédiate, qui laisse entière la rudesse du texte.
Entretien paru dans Libération, le 8 juillet 1994.
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La libre satisfaction des besoins instinctuels de l'homme est-elle compatible avec l'existence d'une société civilisée ? C'est à cette question qu'essaie de répondre la présente étude. Prolongeant la pensée de Hegel, de Marx et de Freud, ce livre ne révèle ni de la psychologie des profondeurs, ni de la philosophie, ni de l'anthropologie, ni de l'interprétation des mythes, ni de la sociologie des systèmes culturels ; il est pourtant tout cela à la fois. La thèse de Freud, selon laquelle le bonheur n'est pas une valeur culturelle, est radicalement mise en question. Le pessimisme freudien, lié à la structure de la société répressive, est situé dans son contexte historique, et l'auteur montre qu'une civilisation est finalement possible qui ne serait pas payée au prix d'une restriction quasi totale de la vie instinctuelle. L'ouvrage de Herbert Marcuse offre la première synthèse entre psychanalyse théorique et marxisme ouvert.